desgoutsetdescouleurs
La lumière au bout du tunnel
J’étais mûr pour devoir encore patienter un bon moment ! Ces derniers temps pourtant, régulièrement, ils se présentaient frétillants au bout du tunnel, sans qu’aucun ne parvienne à franchir le rubicon. Je devais les intimider bougrement, pour qu’ils n’osent s’aventurer plus loin, où alors manquaient-ils de vigueur, mes espoirs, ainsi que ceux de ma patronne allaient-ils encore être vains ?
Ils redoublaient pourtant d’effort pour parvenir jusqu’à mon antre. Ma patronne n’avait pas dû faire le bon choix pour recruter les candidats !
J’avais beau ne pas être parfait, les bons côtés n’étaient pas absents, l’exercice lui permettait au moins de s’offrir du bon temps !
Elle faisait pourtant des efforts, mais quelquefois, j’avais l’impression à l’écoute de ses soupirs, de ses cris et de ses chuchotements que son sérieux n’était pas toujours de rigueur… tous les soirs et même de temps en temps le matin, elle remettait ça. J’en étais ainsi tout secoué… d’émotion.
Le seul défaut que je me reconnaisse, est celui d’être casanier, et, si la nature ne me poussait pas régulièrement dehors, je ne sortirais jamais de chez moi. Mais voyez-vous, la nature a ses règles…et il faut bien y obéir ! Au grand regret de ma patronne, je partais donc quelques jours, faire un tour.
Quelques temps plus tard, tout semblait être revenu à la normale. Ma patronne – qui ne manquait pas de ressort – aborda la nouvelle période avec une fougue redoublée ! Je fis, de mon côté, tout pour favoriser la chose, oubliant la nausée que m’inspirait les soubresauts ainsi imposés. Heureusement, à l’épreuve du temps, je pouvais constater que mon repos avait été bien utile.
La température montait de jour en jour, j’en devenais tout tourneboulé. J’aurais voulu sortir, mais au bout du tunnel, ça se bousculait de nouveau. Ils se précipitaient tous ! Comme d’habitude, beaucoup échouaient sur le bas côté, épuisés. Allaient-ils réussir cette fois-ci ? Échouer en si bon chemin eut-été de la malchance ! D’autant, qu’il en suffisait d’un seul, un peu plus téméraire que les autres ! C’est à ce moment là, alors que je ne m’y attendais plus, qu’il y eut le choc, la pénétration… puis… neuf longs mois d’attente !
ce texte qui raconte le rapport affectif qu'un homme a avec son chien a été écrit avec un contrainte chère à Perec... l'abscence du a dans tout le texte
Un dernier soupir.
En ce début de journée de septembre, le soleil perce difficilement les cumulo-nimbus qu’un terrible vent pousse d’Ouest en Est. Olivier espère du soleil, qu’il se pointe enfin et dissolve cette brume dense et froide.
Il observe les péniches indolentes qui progressent, le petit jour venu, sur l’étendue sombre de leur chemin liquide. Sur les berges, recouvertes d’une herbe dense et en divers endroits touffue, un sentier entreprend de trouer la verdure prolixe. C’est le lieu de prédilection d’Olivier et de Méphisto, son fidèle Teckel, lors de leurs errements de lève-tôt. L’endroit est serein, c’est ce qu’il prise le plus en ce lieu et même si de temps en temps, on peut entendre le bruit d’un moteur tousser ou d’un pécheur s’énerver et jurer contre tous les dieux, source obligée de ses déboires, c’est selon lui, l’endroit rêvé pour se promener en toute quiétude.
Le blouson d’Olivier est fermé tout du long. En guise de couvre-chef, un vieux béret décoloré, lui protège le bourrichon du vent frisquet. Seules les douleurs osseuses muent son cheminement régulier en un pénible boitement. De son côté, Méphisto souffre des mêmes ennuis ; il n’empêche, il suit encore, empressé et l’espoir toujours contenté, une fois rentré de se coucher près du rebord de cheminée sur une vieille couverture. Courir le guilledou n’est nullement son lot, ni non plus les équipées guerrières derrière son chef, comme ses congénères.
Olivier s’oblige, tous les jours et même si les mouvements lui sont difficiles et sur plusieurs kilomètres, de se promener comme méthode contre l’ennui ; le retour s’effectue sur le côté opposé. Depuis quelques jours il se promène seul, Méphisto n’en peut plus, il souffre trop de tous ses membres pour suivre le rythme, même lent, qu’impose Olivier.
En ce jour, il ne veut point prendre cette direction, il est bien trop triste. Il se sent trop seul…
Olivier, troublé, se remémore l’œil humide cette fin de nuit, où il eut ce funeste pressentiment. Dès son réveil, il retrouve en cuisine une couffe vide. Méphisto est couché sur le côté un mètre plus loin, derrière le buffet comme pour tirer un voile pudique sur son infélicité. Immobile, les yeux presque vitreux, Olivier l’observe inquiet, il ne veut y songer, il est toujours ici ! Il croit qu’il bouge, oui…il bouge et puis une infime secousse… son dernier soupir…et plus rien… c’est fini…
Olivier le mis en terre, près du cerisier et n’eut en cette minute que le projet de reprendre ses excursions quotidiennes.
Une mer agitée.
Quand Jenny tomba du voilier en mer, elle eut le sentiment que ce qui ce passait n’était pas réel…
D’où elle se trouvait, Jenny crut apercevoir, au loin, le voilier qui tanguait dur. Pendant un moment, elle chercha du regard si quelqu’un était encore à bord, mais elle ne voyait rien, c’était bien trop loin. Il faut dire que c’était très agité ! Ne sachant pas nager, elle paniqua, se débattant comme elle pouvait, brassant l’eau de ses bras, de ses jambes, mais la houle la submergeait, la renvoyant encore plus loin. L’écume commençait à se former de ci, de là. Elle dut même à certains moments fermer la bouche pour ne pas en ingurgiter ! Plusieurs fois, elle eut la sensation de heurter des objets, sans pouvoir les identifier avec certitude, car elle avait bien du mal à garder les yeux ouverts, le contact avec l’eau les lui brûlait. Elle avait le sentiment que ses membres s’engourdissaient et la rendaient incapable de bouger. Elle était inévitablement entraînée vers le fond…Tout dans sa tête tournait, elle revoyait sa vie défiler… son fils, son fils surtout… elle crut même l’apercevoir en train de nager plus loin devant…il savait nager, ça ne l’étonna pas ! L’étonnement fut de le voir briser sur un rocher, le flacon de lavande qu’il avait à la main… il n’aimait pas cette odeur, elle avait oublié… Et puis, il y eut ensuite, ce tourbillon qui l’apeura, tout devint trouble… le parfum de lavande lui monta aux narines, puis une brise glacée… et dans un ultime tressautement très désordonné, elle se débattit violemment, chercha à s’agripper à ce qui se trouvait là… Le bord de la baignoire et d’atterrir sur le dallage froid de sa salle de bain.
En se retournant, elle se trouva toute penaude. Le petit voilier que son fils avait laissé traîner, flottait la quille en l’air, dans l’écume du dernier bain moussant à la mode. Sur le sol, une bouteille de lavande gisait en morceaux et les fenêtres ouvertes laissaient passer un courant d’air frais, qui finissait de la remettre dans la réalité.
Elle s’était endormie pour la ixième fois dans sa baignoire…
Le bonheur est chose fragile.
Notre homme était encore profondément endormi lorsque son réveil sonna, il était 9 heures !
Depuis plusieurs mois, le chômage l’avait réduit à tourner en rond dans un petit studio de vingt mètres carrés. Le confort y était rudimentaire. En dehors du nécessaire pour faire un peu de cuisine, un petit lit à une personne, une table en bois blanc et un vieux fauteuil en rotin élimé, c’était tout ce qu’il avait réussi à conserver. Force de la loi, tout ou presque, lui avait été saisi. Trop de dettes …
Il désespérait de trouver du travail, alors tous les matins, il compulsait les petites annonces du journal local. Comme tous les matins, Il enfila son pantalon et sa chemise, mais resta nu-pied. Il avait pris cette habitude, depuis qu’un voisin, avec qui il avait longuement discuté, lui avait vanté la méthode pour rester en bonne santé !
Ainsi, il se dirigea sans hâte vers la porte d’entrée, la boite à lettre y était encastrée. Avant même de l’ouvrir, il tira le rideau le masquant de la rue, jeta un œil dehors. Un frisson lui parcourut le dos, de la nuque au bas des reins, les voitures étaient recouvertes de givre et des stalactites de glace pendaient des gouttières du voisin. Pas étonnant se dit-il le ciel est bleu !
À ce spectacle, il eut un sourire de contentement, il avait fait le bon pronostic ! Si seulement il en était de même pour le boulot. En pensant boulot, il songea qu’il n’avait toujours pas ouvert la boite aux lettres, trop occupé à regarder au dehors. Le journal en main, il alla prendre ses aises dans son fauteuil, levant les jambes à bonne hauteur pour ensuite, les croiser avec décontraction sur la table.
Le 17 de ce mois, ça fera un an qu’il est au chômage ! Il eut beau éplucher toutes les annonces, aucune ne correspondait à son profil ! C’était vrai que « saute-ruisseau » n’était pas une profession très courante ! Arpenter les boulevards, pour aller porter les problèmes au domicile des gens, n’était pas chose facile, mais avec son dernier patron le travail était devenu infernal, il avait toujours la main à son chronomètre et ne cessait de le harceler pour qu’il en fasse plus. Notre homme avait alors donné sa démission, épuisé, lassé de ne livrer que le malheur et les problèmes aux autres. La dernière fois qu’il avait « sévit », c’était à l’encontre d’un type qu’il crut de son âge, il n’avait pas vraiment su, avait-il cherché à savoir d’ailleurs ? Il habitait une pauvre cabane en périphérie de ville. Il semblait vivre avec sa fille, c’était du moins ce qu’il avait supposé, mais la situation inextricable dans laquelle il l’avait trouvé, l’avait laissé pantois. Pourtant il en avait vu d’autres !
Mais là, cette pauvre gamine enturbannée d’un bonnet et d’un polaire qui lui remontait au dessus du nez, pour se protéger du froid, son pauvre doudou : un petit chien à roulettes qu’elle avait installé sur ses genoux, lui fit mal au cœur. La seule richesse qu’ils devaient avoir à eux deux, était un petit collier probablement de piètre valeur, avec en médaillon un petit cœur avec des initiales : VAL ! Il avait laissé le papier officiel, bien forcé, c’était son travail. Mais il avait eu bien du mal à les abandonner. Avant de partir, il avait même sorti de sa poche de manteau, la pomme qu’il emmenait toujours sur lui, au cas d’un petit creux. Il referma la porte de clôture qui était faite de bric et de broc, tenant par des ficelles et de vieilles charnières rouillées. Il salua de la tête le père, jetant un dernier regard à la petite fille, il lui demanda : ton prénom, c’est Valérie ? Il reçut un sourire…
Les coquelicots.
Devant son chevalet, le peintre était soucieux. Il avait beau se lisser la barbe, comme il avait l’habitude de le faire à l’apparition d’une anomalie, rien n’y faisait. Ces sacrés coquelicots ne rendaient rien, ou tout au moins pas ce qu’il en espérait. Les taches plus ou moins clairsemées qu’il avait peintes pour les matérialiser, ne lui donnaient vraiment pas satisfaction. L’impression de vallonnement, qu’il devait donner à la composition, n’y était pas. Faire des semis sur un tableau, l’avait d’ailleurs toujours agacé, mais là, trop c’était trop ! Il était passablement énervé de cette situation, au point qu’il n’aurait supporté, à ce moment, aucun commentaire sur son travail et pourtant…
Les gens pensent que c’est chose facile. Mais, lorsque l’on peint des semis comme ceux-là, le hasard disparait le plus souvent, pour laisser place invariablement à l’envie de les ranger en quinconce, c’est plus naturel, c’est aussi plus moche ! Bien sûr, il sait que compte tenu de la perspective, ceux du premier plan sont plus détaillés que ceux au fond du tableau, ça il maîtrise ! Du coup, il laisse les coquelicots, il y reviendra plus tard ! Il va peindre l’ombrelle, la femme et l’enfant du premier plan. Il attaque ensuite le ciel. Ah ça, il aime les ciels ! Surtout quand il y a des nuages, d’ailleurs s’il n’y en a pas, il en met systématiquement ! Puisque pour lui, peindre des ciels unis, lui donne l’impression de peindre les murs de sa chambre ! En prenant du recul avec son travail, il observe de nouveau ce qu’il a fait... Il n’est toujours pas prêt à peindre les coquelicots, alors il se met à peindre les arbres. Ces taches sombres qui marquent l’horizon scindent en deux la composition et viennent de marquer la perspective, il le sait, il le sent…!
Il vient, avec ces arbres sombres et grossiers plantés en plein milieu du décor, de se retrouver avec sa peinture. Il pensait l’instant précédent avoir tout raté, mais ça revient, il se sent plus à l’aise ! Il passe donc aux touches rouges des fleurs de coquelicots, ses gestes deviennent frénétiques rajoutant de ci, de là du volume, le brossant de touches multiples, il alterne les couleurs, au point d’oublier les deux personnages, qui sur son modèle, en haut à gauche, semblent suivre un chemin imaginaire. Il les peint avec soin, ça y est, ce coup-ci, il pense avoir terminé ! Il se pose un instant, décide de prendre du recul, quelques longs pas en arrière, sans regarder où il mettait les pieds, il trébuche…il a oublié qu’une chaise trônait là, il s’y retrouve assis, un peu surpris…
Il a la sensation d’être à ce moment là, très bête, ridicule même. Mécaniquement, il se retourne guettant dans le vide de la pièce un éventuel regard indiscret, mais il n’y a personne…à part Claude Monet qui sur un poster géant affiché au mur derrière lui, dresse vers son admirateur, copieur, un regard ombrageux semblant lui dire : ce n’est pas parfait… il doit manquer quelques coquelicots !