Cette nouvelle est conçue sous le forme d'un journal intime. Le héros principal est un jeune garçon d'une dizaine d'année qui relate la vie au quotidien chez lui, à l'époque de la première guerre
du Golfe. Cette nouvelle a fait l'objet d'une parution dans un recueil collectif de nouvelles, il y a quelques mois.
Ma guerre du Golfe.
Dimanche 6 janvier 1991
Ça fait longtemps, que je n'ai pas écrit dans mon carnet à secrets. Il va bien falloir essayer de rattraper tout le
retard. La dernière fois que j'y ai écrit, c'était le 27 juillet, après nous sommes parti en vacances avec mes parents. On est allé en Provence, à Sault, chez papy et mamy comme les autres
années. Je me demande pourquoi on va jamais à la mer, nous ? Pourtant quand l'été, à la radio, on parle des embouteillages, c'est pour dire que les gens du nord vont dans le sud en vacances. On
raconte toujours qu'ils vont à la mer. Nous sommes comme les autres, nous venons du nord, enfin, pour papy c'est le nord. Pour moi qui connais la géographie, "je suis le meilleur de la
classe ", Tours, c'est pas le nord, mais pour papy, si ! Maman, est d'accord avec moi, mais je crois qu'elle dit ça pour me faire plaisir! Dans le fond, elle doit préférer le sud, elle y est
née ! C'est à cause du boulot de papa, maman l'a suivi. Elle a laissé la culture de la lavande à ses parents. Enfin, on est en vacances
là-bas, pour un mois. Pour maman, c'est pas des vacances, elle est toujours rendue dans les champs avec papy. Je comprends pourquoi il est content de nous voir arriver, c'est le moment de
récolter la lavande, avec maman il a de l'aide. Quand elle est rentrée des champs à midi, mamy lui a dit : " t'es toute ébouriffée ma pauvre fille". Moi, je dirai bien qu'elle est coiffée à la
dynamite ! Maman a rit, mais je vois bien qu'elle est fatiguée. Elle a plus l'habitude d'être pliée en deux. Elle économise pas ses efforts pour aider. La seule économie qu'elle fait, c'est le
parfum. Elle empeste la lavande ! Pourtant c'est une jolie fleur la lavande ! Je sais qu'avec ils font du parfum, mais ce serait mieux de la laisser dans les champs, ça dessine des grandes
rayures bleues dans le paysage.
Pendant ce temps là, Papa va à la pêche dans le petit ruisseau qui passe à côté de la maison. Il paraît qu'il y a des
truites dans ce ruisseau. Papa, il en a jamais ramené une seule, même qu'a un moment il en a eu marre, alors il a dit comme ça, tout haut, pour que maman entende, " je crois bien, que
c’est histoire de demander l’autorisation sans vraiment la demander" que demain, il ira plus loin. Il a même parlé de m'emmener avec lui. Maman a répondu oui, pourquoi pas. De toute façon,
maman dit jamais non à papa. On est arrivé depuis deux jours, papa n'a pas beaucoup de patience, pourtant quand on est pêcheur il faut en avoir ! C'est lui qui me l'a appris ! Alors, nous y
sommes allé tous les deux et au retour, on était quand même bredouilles.
Le mois d'août, dans la famille, c'est un mois important. Presque tout le monde y a son anniversaire, il parait que
c'est le hasard ! Papa 52 ans, maman 38 ans et moi 11 ans le 2. J'ai aussi une moitié de frère, enfin le fils que papa il a eu avec une autre dame…
avant ; il s'appelle Nicolas. Lui, il est du mois de septembre. Pour papy et mamy je sais pas, en tous les cas, pour eux, c'est la fête. Et je suis le premier sur la liste, de quoi espérer plus,
vu que je suis petit. J'ai remarqué qu'il y a toujours plus de cadeaux quand on est le plus jeune. J'ai eu droit aux bisous de tout le monde, aux cadeaux et aux bons gâteaux. Il n'y a que papa qui, depuis ce matin, paraît bizarre. Il a toujours l'oreille sur la radio, faut rien lui dire, sinon il bougonne et
remonte le son, c'est à ce moment là que j'ai entendu que le Koweït avait été envahi par les soldats de l'Irak. Une fois les infos passées, il s'est relevé, l'air soucieux. Maman lui a jeté un
regard bienveillant. Elle a toujours un gentil regard, même avec moi quand je fais une bêtise, enfin, a condition qu'elle soit pas trop grosse quand même. Comme dit mamy, c'est toujours comme ça
avec les petits derniers, on les chouchoutent de trop. Là j'ai pas bien compris parce que moi, pour maman, je suis le premier…à l'école !
Bon enfin… Pour le regard triste de papa, je crois avoir compris, à la longue. Ils ont passé tout le temps du repas à
parler de ça " de la guerre". Papa s'inquiète parce que, s'il y a la guerre, Nicolas, qui est militaire risque d'y aller.
Maman, a beau dire que non pour le tranquilliser, elle a peur aussi, j'ai l'impression !
Au début septembre, il y a eu la rentrée des classes. J'ai retrouvé tous mes copains, sauf un : Romuald. Il a changé
d'école. Il a déménagé dans une autre ville, c'est pas grave, de toute façon c'est mieux comme ça ! Il était toujours à tourner autour de Delphine, ma meilleure copine après ma petite chienne.
Oui, j'ai oublié de dire que pendant les vacances nos voisins à Sault, ils m'ont donné une petite chienne, une épagneul breton, qu'ils viennent d'avoir. Une bretonne en Provence, bizarre, mais il
parait qu'il y en a partout des bretons et des bretonnes, partout…
Bref, jusqu'à Noël, tout s'est bien passé à l'école. Oh ! Y a peut-être eu des trucs, mais pas graves, sinon je m'en
rappellerais, enfin, je peux oublier, comme dit mamy, "l'erreur est humaine" !
Les fêtes de Noël se sont bien passées. Nicolas est venu nous voir. Il a passé Noël à la maison. Maman a moins le
sourire avec lui qu'avec moi et puis papa alors, il a pas du tout le sourire. Tous les deux ils sont toujours en train de se disputer à cause du Koweït. J'ai cru comprendre, mais j'en suis pas
sûr, que Nicolas veut être volontaire pour y aller. Il a même dit que comme ça : il montera en grade et il gagnera plus d'argent. Papa lui a répondu qu'il pourra aussi finir entre quatre planches
et une médaille militaire posthume. J'ai pas bien compris le mot… Je sais pas trop ce qu'il veut dire, de toute façon, une médaille entre quatre planches…
Aujourd'hui, c'est le jour des rois. On va avoir droit à la galette ! Papy et mamy sont venus. Ils viennent pas souvent
en Touraine, à cause de la lavande. La lavande, c'est plutôt l'excuse, je crois. C'est plutôt papy qui aime pas trop monter vers le nord, il a peut-être peur de le perdre ! On est cinq à la
maison, du coup. Ils vont rester toute la semaine prochaine avec nous. Papa est sous pression, rapport à la guerre, on dirait que c'est lui qui va la faire, ça l'avance à quoi de s'énerver comme
ça ! Nous sommes tous occupés à croquer notre part de galette quand papa a mis sa main à sa mâchoire en émettant un grognement sourd, j'ai l'impression qu'il s'est pété une dent sur la fève,
voilà tout ce qu'il a gagné. Il est parti à la salle de bain voir les dégâts. Il a pas fini de crier. Maman elle bouge pas. Elle laisse courir, l'habitude.
Lundi 7 janvier.
Me voyant endosser mon cartable, mamy me déclare avec un air moqueur. C'est bien beau les vacances, mais ça peut pas
durer tout le temps ! On a vraiment l'impression à voir sa mine réjouie, qu'elle l'a dit du genre "moi j'en suis débarrassé, à ton tour d'y aller" Sûr qu'elle a pas dû y aller longtemps à
l'école. Y à pas besoin du bac pour cultiver la lavande ! Le
soir, mamy est venue m'attendre à la sortie du collège, pour me raccompagner à la maison. La honte ! En plus elle est arrivée avec ma petite épagneul, je l'aime bien ma chienne, mais alors là,
j'ai eu l'air bien, moi qui voulait raccompagner ma copine chez elle ! Il a fallu que je me tape la grand'mère…Classe ! Trêve de plaisanterie, il va falloir que je m'arrange pour que demain elle
ne vienne pas. Je vais essayer de monter un coup avec maman, elle devrait comprendre, elle.
Mardi 8 janvier.
Hier soir, j'ai réussi à convaincre maman, d'empêcher ma grand-mère de venir me chercher au collège. Le soir au dîner,
c'est encore revenu sur le tapis, papa il en a encore pas fini avec le Koweït. Il affirme : qu'il faut préparer la guerre pour avoir la paix, "ça doit pas être de lui cette phrase", et puis
après, il ajoute "il faut foutre sur la g…à Saddam et après il se plaint que mon demi-frère veuille aller la faire ! Il est pas logique ! Papy, je vois bien, à chaque fois que papa relance ça, il
lève les yeux au ciel, d'un air !... Il va finir par regretter d'avoir laissé sa lavande.
Mercredi 9 janvier.
C'est mercredi, aujourd'hui, papy et mamy veulent m'emmener au jardin botanique. C'est rasoir, ils cultivent toute
l'année des fleurs ; d'accord là, ils vont voir autre chose que de la lavande, mais c'est de l'obsession ! Obsession, ça c'est un mot que je connaissais pas avant-hier. On l'a étudié en classe.
Il était dans un texte. Ça veut dire : avoir une idée fixe. Justement, aujourd'hui, papy il l'a bien l'idée fixe, ça a même fait fâcher mamy. Elle a trouvé qu'il marchait vite et elle lui a dit
de ralentir. Je crois que c'est surtout parce qu'elle trouvait qu'il avait le regard fixé sur la belle fille, qui marchait devant nous dans la rue. C'est vrai, je l'ai vu, il a même failli se
manger un poteau qui était au milieu du trottoir. Il l'avait pas vu ! C'est vrai qu'elle avait des belles jambes ! Tu parles, papy s'était mis à marcher au même rythme que la fille, tellement il
était attiré, alors il a vite pris quelques mètres d'avance sur mamy. Il a pas perdu le nord, alors, comme elle continuait de se plaindre, il s'est retourné au sud et il a répondu à mamy :
qu'après tout, c'est pas parce qu'il était au régime, qu'il avait pas le droit de regarder le menu. Mamy, elle a rigolé. Moi, j'ai pas tout compris…Oh ! Ça doit être la jalousie ! Alors moi, je
me suis retourné vers mamy et je lui ai expliqué : qu'est-ce que t'en sais, tu irais devant, il en ferait autant avec toi ! Elle a haussé les épaules et secoué la tête comme une
girouette…
Jeudi 10 janvier.
Ce matin il n'y a que les grands-parents qui ne soient pas levés. Les parents ont l'air de se faire la gueule. C'est
vrai qu'hier soir ils se sont engueulés à cause de Nicolas, et peut-être aussi de Saddam et du Koweït. Je les ai entendus de ma chambre, c'est la pièce d'à côté. Y en a marre, vivement que ça se
termine. Y a pas que là-bas qu'il va y avoir la guerre si ça continue, ici aussi. Papa, proclame qu'il va plus y avoir d'essence si la guerre est déclarée. Que les terroristes vont venir faire
sauter le métro, parce qu'on veut leur faire la guerre. Je crois bien que ça a réveillé papy. Il vient de descendre les escaliers en titubant à moitié, pourtant il engage la conversation comme-ci
il avait été là depuis le début. Sitôt arrivé il dit : mais ça va pas être la fin du monde, on en a vu d'autre, t'as pas fait la guerre mon pauvre, t'aurais vu ! Il a pas parlé sur le ton de la
plaisanterie, mais c'est sûr, ça a bien changé l'atmosphère. Ils ont remis le nez dans leur bol de café et puis, après, papa est parti au boulot. Je suis resté avec papy et maman. Ils ont rien
dit devant moi, mais dès que je suis remonté pour me préparer, ils se sont remis à discuter bruyamment. Lorsque je suis redescendu avec mes affaires pour aller en classe, ils ont baissé le ton,
mais ils n'ont pas l'air d'être d'accord.
Pas de chance en classe aujourd'hui, il y a deux heures de géographie et devinez sur quel sujet c'est tombé ? : L'Irak
et le moyen orient !
Quand je suis rentré ce soir du collège, papa était rentré du travail. Ils sont tous en train de parler de Nicolas et de
son départ. Ils sont en train de se plaindre de pas avoir reçu de courrier de lui depuis les fêtes. Maman clame : on lui a bien demandé de nous tenir au courant, qu'on sache au moins. Ils sont
tellement occupés par leur conversation, qu'ils ne m'ont même pas vu. Y en a que pour Nicolas, toujours lui.
Vendredi 11 janvier.
Aujourd'hui, quand je suis rentré, il n'y a que mamy à la maison. Je suis un peu en colère qu'il n'y ait personne ce
soir quand j'arrive. Alors je suis monté directement dans ma chambre suivi de ma petite chienne. Mamy m'a demandé si la journée s'était bien passée ; c'est bien la seule à s'en inquiéter. Je lui
ai répondu, tout en montant l'escalier que, oui. Je me suis mis à faire mes devoirs et puis j'ai lu. Plus tard, j'ai bien entendu qu'on m'appelait, mais j'ai fait celui qu'avait pas entendu ;
quand je suis arrivé, ils étaient déjà au milieu du repas. Maman s'est fâchée en me disant, que je devais descendre quand on m'appelait. Alors fâché, j'ai dit que j'avais pas faim. J'ai parlé à
personne pendant le repas et rien mangé non plus, malgré l'insistance de maman. C'est ce soir là, que mes grands-parents ont demandé s'ils pouvaient rester une semaine de plus à la maison. Maman
a répondu que oui, au contraire, comme ça ils pourront lui planter les pieds de lavande qu'ils ont amené et qui sont en train de se dessécher dans la cave, parce qu'avec tout ça…j'ai pas demandé
ce qu'elle voulait dire par "tout ça", mais, je me doute que c'est encore à cause de Nicolas.
Samedi 12 janvier.
Ce matin j'ai classe, c'est la barbe. Quand je suis rentré à midi, j'ai trouvé que papy et mamy. Les parents sont partis
voir mon demi-frère. Ils m'ont rien dit. Il est dans une caserne à cinq cents kilomètres de chez nous. Ils auraient pu m'emmener. Ils ont dû avoir peur que je les supplie pour aller avec eux,
alors ils ont décidé de partir pendant que j'étais en classe. Tu parles…moi je passe toujours après les autres ! Si ça continue, je vais faire comme eux, partir sans rien dire, ils vont voir !
Je
vais faire comme mon copain Romain, il est parti une fois et ils ont mis deux jours avant de le retrouver. Romain, nous a tout raconté un jour où il
avait de la nostalgie. Il en a souvent de la nostalgie. Il est toujours triste. Il se mélange jamais aux autres, alors évidemment un jour ça a débordé ! Il avait même été surpris qu'on le
recherche comme ça ! Il avait pas pensé que ses parents remueraient ciel et terre pour le retrouver. C'est surtout, quand il a vu des pompiers plonger dans un étang à deux pas d'où il était
caché. Il avait été les voir et leur avait demandé ce qu'ils cherchaient ? C'est comme ça qu'ils l'ont retrouvé, mais il nous a certifié qu'il aurait pu tenir bien plus longtemps !... Moi, je le
crois pas, surtout qu'il est pas très costaud, comme dit mamy qui l'a vu l'autre jour "il n'a que la peau sur les os, ton copain." C'est sûr, moi, je suis plus fort que lui ! Alors ses parents
ont été très gentils avec lui, maintenant ils le chouchoutent et tout… c'est normal ils avaient remué ciel et terre, enfin le ciel c'est pas sûr, je sais pas comment ils auraient pu faire, la
terre c'est déjà pas facile…
Dimanche 13 janvier.
Depuis hier on a pas entendu la radio. Papy m'a dit : ton père est pas là, on l'allumera pas, ça nous fera des
vacances.
Les parents rentreront sûrement tard ce soir, je me demande ce que papy et mamy vont prévoir comme occupation pour la
journée.
Aujourd'hui en plus, il pleut, ça va pas arranger les choses. Papy a déjà pas beaucoup d'imagination d'habitude, alors
là, on est pas foutu. On est sûr d'une chose : on ira pas au botanique ! Je vais essayer de les brancher cinéma. Le problème c'est qu'on a pas le journal, alors, j'ai affirmé à papy que sans le
journal, on saura jamais les films qui passent…
J'ai l'impression de l'avoir bien arrangé Papy que je dise ça. Il a souri et il a pas hésité une seconde. Il est sorti
en trombe. Mamy a même été surprise, tout de suite après, elle a dit : "il aurait pu t'emmener avec lui !" J'ai haussé les épaules et j'ai dit que j'avais pas envie de sortir ce matin. Vu son
air, elle m'a pas cru. C'est vrai qu'il aurait pu m'emmener, d'autant qu'en échange il peut aller boire un coup au bar du coin et fumer ses cigarettes sans se faire disputer par
mamy.
De toute façon on s'occupe jamais de moi, personne ! Du coup je suis en colère contre eux tous. Je suis monté dans ma
chambre commencer à préparer tout. Les parents sont rentrés, nous étions à table en train de dîner. Ils ont dit qu'ils étaient fatigués et qu'ils avaient pas vu Nicolas, il était parti en
manœuvre. Ils sont pas contents, mille kilomètres pour rien ! Moi j'ai rien dit, mais, j'ai pensé que c'est bien fait pour eux !
Lundi 14 janvier
Ce matin, la radio a repris de la voix. Papa écoute avec attention ce qui se raconte dans le poste, même que de temps en
temps, il rajoute un commentaire. Il a même proclamé qu'il allait acheter une petite télé pour mettre dans la cuisine Papy, il m'a chuchoté à
l'oreille pour pas qu'il entende : manquerai plus que ça ! Tant et si bien que papa, en oublierait presque d'aller au travail ! Il avait pas encore bu son café, que maman lui a dit : "t'as vu
l'heure ? tu vas être en retard !" Il a bougonné et il est parti vite fait. Je suis remonté dans ma chambre pour me préparer et après je suis parti aussi. Quand je suis rentré le soir, papy était
dans le jardin, en train de planter la lavande. Papa couvait la radio, tellement il était monté dessus. Il est de plus en plus fébrile, c'est vrai que les américains, en ce moment, font genre
compte à rebours. Il y a un ultimatum pour le 16 et si les irakiens partent pas du Koweït, les américains et nous, on va leur faire la guerre. J'ai été retrouver papy dans le jardin. Il m'a dit
que les femmes de la maison étaient parties faire du lèche vitrine. Ce soir on a dîné dans la salle de séjour, d'habitude c'est dans la cuisine, mais papa voulait suivre les infos et comme les
femmes sont rentrées tard, il les aurait ratées.
Mardi 15 janvier
C'est toujours la même chose, tous les jours la même chose ! Faut se lever et aller en classe, manger à la cantine du
collège à midi, reprendre les cours ! Cet après-midi, en plus, il y avait sport pendant deux heures. C'est vraiment fatiguant l'école. Quand je pense que mamy rigolait quand elle m'a vu partir ce
matin, qu'elle en rajoutait même en disant : "allez la jeunesse, profitez-en". Vraiment ça déchire ! Ce soir en rentrant, c'est pas mieux, je trouve tout le monde bizarre. Ils ont tous le
sourire, même papa qui malgré qu'il soit toujours scotché à la radio, arrive à me décocher un sourire. J'arrive pas à y croire !
Voyant ça, j'ai voulu monter dans ma chambre. C'est vrai quand on comprend pas tout, il y a que ça à faire, mais ils
m'ont dit : non, reste avec nous ! Alors, c'est de plus en plus grave, d'habitude ils me regardaient pas, il y en avait que pour Nicolas et maintenant ils veulent que je reste avec eux
!...
Alors, je suis revenu sur mes pas et c'est là qu'ils m'ont montré la lettre que leur avait envoyé Nicolas. Ils l'avaient
reçu ce matin. Il disait qu'il avait bien réfléchi. Ils avaient raison, il n'ira pas faire la guerre en Irak. J'ai esquissé un sourire pour rallier l'ambiance générale, maman et papa
s'embrassaient, papy et mamy n'osaient pas trop, à leur âge, ils devaient se dire que ça se faisait pas ! Enfin, ils l'ont pas fait.
Mercredi 16 janvier
L'ambiance ce matin est normale. Papa avant de partir au travail est toujours penché sur son poste. Le compte à rebours
approche de sa fin. Il ne parle plus d'acheter une télévision pour la cuisine, au grand soulagement de maman. Papy et mamy sont toujours pas levés, la joie d'hier soir a dû les fatiguer ! Ce matin j'ai demandé à aller voir Delphine. J'ai raconté qu'il me manquait un devoir, alors, j'irai le copier chez elle. Maman a tout de suite été
d'accord. C'est une excuse ! C'est pas vrai, il me manque rien ! Chez Delphine, y a des jeux, pas à la maison, alors pour s'amuser un peu…
Jeudi 17 janvier
Ce matin quand je me suis levé, tout le monde était dans la salle de séjour à regarder la télé, en prenant le petit
déjeuner. J'ai compris aux images que la guerre en Irak avait commencé. Papa avait remonté le son, pourtant, il y a assez de bruit comme ça. J'ai rien osé dire, il aurait encore remonté le son
!
Ce matin, avant même de partir de la maison, j'ai comme un mauvais pressentiment. Y a des jours, où je voudrais bien qu'ils fassent grève, les profs, parce qu'à tous les coups, ce matin et
pendant deux heures, celui d'histoire géo va nous ressortir, le moyen orient, les pays arabes, la guerre en Irak, le moyen orient, les pays arabes !... J'en entends assez à la maison, ça commence
à me fatiguer !